jeudi 3 décembre 2015

Apparence

Vis-à-vis des autres, je peux paraître creuse,
Je cache ma densité au coeur du vide,
Caméléon, je renvoie les reflets des autres...



mercredi 21 octobre 2015

Le Salon d'Automne, à La Croix Saint Ouen (Oise)


Chaque année, à la brocante de La Croix Saint Ouen, a lieu une exposition réunissant les sections peinture, photo et lettres de l'association Arts, Lettres et Cultures (ALC pour les intimes), autour d'un thème commun.
J'ai l'habitude d'y faire un petit tour, notamment car ma mère, ainsi que les parents d'une amie, appartiennent à la section Photo et que c'est l'occasion de voir de belles oeuvres ! (bon, et la brocante aussi, d'ailleurs mon conjoint en a bien profité).

Cette année, la section Lettres a proposée une animation "écriture" autour du thème de la "Nuit", qui a remportée un vif succès auprès du public. La consigne était la suivante : à partir de quelques mots tirés du panier, composer une phrase, une histoire, un poème...
Les textes étaient tous très jolis, et je ne résiste pas (comme si j'allais essayer) au plaisir de vous les partager (d'autant plus que ma mère m'a indiqué que les textes que mon conjoint et moi avons créé ont été fort appréciés - oui, je nous fais mousser un peu - cherchez Thierry et Adeline).

Voici le lien du billet : http://alclacroix.blogspot.fr/2015/10/retour-sur-le-salon-dautomne-du-cote.html

Mise à jour 10/06/2021
Et voici les textes de ma mère, de mon conjoint et de moi.

L'auteur : Réjane.
Les mots : Plénitude, envoûtant.
Le texte :
Lune rousse,
Plénitude de la nuit,
Ciel envoûtant.

L'auteur : Thierry.
Les mots : Chouette, silencieux, glauque.
Le texte :
Le hululement de la chouette brise le silencieux recueillement des hommes des marais.
Glauque est la nuit sans lune... Une nouvelle ère s'annonce...

L'auteur : Adeline.
Les mots : Méditer, admirer.
Le texte :
Le sage médite le jour,
L'enfant admire la nuit.

lundi 12 octobre 2015

L'aube et le soleil

Entre la brume et l'ombre pourpre
Le disque solaire de sa courbe parfaite
Embrase l'aurore de ses lumineux contrastes.

lundi 5 octobre 2015

Les chemins rouges

Dans la rue
Des coeurs rouges de leur papier
Dessinent un chemin d'amour

Rue Charbonnier de Belloy - Pont Ste Maxence
28/09/2015

Je suppose qu'il y avait eu un mariage à l'église pas loin...

lundi 21 septembre 2015

Brume

Brume au matin
Brume lointaine
Du pont je te regarde

Vue prise du pont de Pont Ste Maxence - 21/09/2015

lundi 14 septembre 2015

vendredi 11 septembre 2015

Et tombe le sens

Des lettres d'enseigne qui tombent
Quand Mango devient Go,
Where's the Man ?




Quand j'écris "des lettres [...] qui tombent", c'est au sens littéral ! Peut-être étaient-elles mal accrochées, et avec les vibrations de tous les trains qui passaient au-dessus de ce magasin se trouvant dans la zone RER sous Paris Gare du Nord...

lundi 7 septembre 2015

Les fées de la rivière

Les fées dansent lentement sur la rivière,
Fumerolles blanches nées du froid automnal
Et de la lumière du matin.


jeudi 3 septembre 2015

vendredi 14 août 2015

Et volent les oiseaux !

Petit plaisir :
Looping du sac
Et volent les pigeons !


Oui, j'avoue... J'adore faire s'envoler les pigeons, que ce soit en agitant les bras, le sac, ou même en courant après eux ! (Oui oui, je suis une adulte, pourtant)

dimanche 2 août 2015

Par trois

Je m'asseois sur un banc
Trois dames aux cheveux courts,
Trois dames à lunettes, trois portables Samsung.

Extrait du film "Les Triplettes de Belleville"

jeudi 30 juillet 2015

Libellule

Une libellule qui fait la course,
Contre le vent, contre le train.
 

Pour l'anecdote, je me trouvais dans un train roulant à bonne vitesse, et une libellule s'est mise à voler près de la vitre, tenant la distance durant plusieurs minutes. Ça vole vite, ces bestioles !

samedi 25 juillet 2015

Souffrances

Lumière trop vive
Le son trop fort,
Souffrances



Les hypersensibles, les migraineux et les autistes connaissent sûrement ce ressenti. Ah... Et aussi les lendemains de cuite. Pour l'anecdote, non, je n'avais pas trop bu la veille au soir, et non, je ne suis pas migraineuse.

jeudi 23 juillet 2015

Feän (6)

... rugit sa frustration, le cou tendu à se rompre vers les soleils. Il hurla encore, et encore, assourdissant toute l'arène, et Feän en fut toute étourdie, malgré ses mains précipitamment posée sur les oreilles. Elle aurait de la chance si elle retrouvait un jour l'ouïe... Si elle vivait.

L'immense créature, dont la carapace si sombre paraissait noire sur le sable, se releva, mâchoire grande ouverte, haleta un moment, puis retourna vers l'ouverture menant à sa caverne.

Dans les gradins, sur le balcon des Grands Prêtres, partout, seule la légère brise faisait bruire les tissus, ponctuée du glissement des pattes d'insectes du Wane sur le sable. Feän, abasourdie, l'ouïe bourdonnante, laissa tomber ses mains, n'en croyant pas sa chance. Levant les yeux, elle croise le regard hanté du Grand Prêtre... Mue par un réflexe de survie à l'état pur, la jeune femme se leva soudain et se précipita sur les traces du monstre. Le Grand Prêtre s'empourpra et, hurlant de rage, donna l'ordre aux Baolfas de barrer la route de la jeune femme ; elle échappa au plus proche d'entre eux d'une pirouette et d'un coup de pied qui fit son effet, quoique mal assuré, et elle disparut dans le long couloir sombre...


Dehors, dans les gradins, l'hystérie éclata. Les prêtres wanessans firent donner les Baolfas, évacuant les spectateurs à demi-fou ; il y eu de nombreux blessés, dû à la précipitation des gens plus qu'à la brutalité des gardes. Le Grand Prêtre, à la tête d'un groupe constitué de l'élite des Baolfas, de quelques autres prêtres, et de l'égloque balbutiant, s'engouffra à son tour dans le couloir menant au lieu de naissance, de repos et de mort du Wane.

Dans l'ombre couleur aubergine, il était difficile de distinguer les murs. Jusqu'où la bâtarde était-elle allée ? Il tardait au Grand Prêtre de la retrouver et de la tuer. Il lui planterait lui-même le couteau dans le cœur, cette dague cérémonielle à la courbure vicieuse et conçue pour le sang. Dans le long couloir, il eut le temps de se remémorer la capture de la bâtarde...

Il n'y avait pas participé personnellement, bien entendu, malgré qu'il en eut le désir : sa charge était tout simplement trop importante pour qu'il la délaisse ne fut-ce que quelques jours. Il avait envoyé d'abord quelques-uns de ses meilleurs hommes pour retrouver la trace de cette petite garce rebelle. Il avait été surpris d'apprendre qu'elle se trouvait dans les plaines de Vardim, en compagnie d'un groupe de gens disparate, de tout âge, sexe et condition sociale.

Il avait ensuite déployé d'autres hommes sur un large éventail et quelques espions dans des lieux-clés, afin de diriger la bâtarde vers Asgaal, où la capture avait finalement eu lieu, non sans mal : elle avait longuement combattue, aidée de ses minables mais compétents amis, laissés pour morts sur place tandis qu'on la ligotait et la droguait.

Il avait tant jubilé en apprenant sa capture ! Elle allait revenir juste à temps pour le sacrifice. Quelle chance ! Bien sûr, elle avait trouvé la force de lui cracher dessus lorsqu'il était allé la voir, à son retour dans sa ville natale.

Le Grand Prêtre trébucha et poussa un bref juron. Il venait de s'écorcher la paume de la main en se rattrapant au mur, rugueux : s'il saignait trop il lui faudrait se bander la main pour assurer sa prise sur la dague. Cette garce rebelle et interdite mourrait bientôt, quoiqu'il en soit !

Enfin, le groupe silencieux parvint au bout du couloir et déboucha dans la caverne, à flanc de falaise, où gisait le Wane repu. Pour l'heure, la puissante créature se reposait, un ronronnement léger et presque apaisant s'élevant de ses flancs. De temps en temps, une griffe cliquetait négligemment.

L'égloque, terrorisé de se trouver soudain si près d'un monstre carnivore, s'effondra dans un couinement le long de la paroi ; le Grand Prêtre, agacé, fit un signe du doigt et un Baolfa alla monter la garde près du petit homme aplati au sol. Le Grand Prêtre se retourna à nouveau vers le Wane. Contempler de si près la créature sacrée provoquait en lui une crainte révérencielle... Mais il lui fallait découvrir la bâtarde, et vite : où était-elle ? Où se cachait-elle ? Avait-elle trouvé le chemin menant au dehors de la caverne sur la falaise ? LE Grand Prêtre y envoyé l'un des six prêtres avec quelques Baolfas, et entreprit de fouiller discrètement le reste de la caverne avec les autres.

La garce n'avait pas dû prendre la boisson droguée, il en était sûr. Celle-ci était dosée de façon à ce que les Klayanans soient dociles jusqu'au moment où le Wane venait les dévorer, mais dès son entrée dans l'arène son regard était trop vif et ses paroles vives et pleines de défi l'avait confirmé. D'autres ingrédients de la boisson droguée avaient pour effet de modifier l'odeur corporelle des sacrifiés, afin de les rendre appétant pour le Wane, qui autrement ne s'intéressait guère à la viande peu goûteuse des humains contemporains, se nourrissant d'aliments plus délicats que leurs ancêtres.


Tout cela était parfaitement connu, depuis des générations, des prêtres wanessans. Dans un lointain passé, les tribus de la région révérait le Wane comme un dieu, mais un dieu cruel, ne dédaignant pas de les chasser, les tuer et parfois laisser pourrir les cadavres sur place au lieu de les dévorer. La vie était difficile en ce temps-là, et un prédateur aussi formidable faillit mener la plus proche tribu à l'extinction. Les survivants entreprirent alors de se défaire du monstre. Ils découvrirent la grotte dans laquelle il se reposait. Ils connurent ses nourritures préférées, et qui étaient justement ce qu'ils mangeaient.

Finalement, ils s'étaient arrangés pour faire écrouler l'entrée de la grotte, afin d'y bloquer le Wane. Ils cessèrent de manger les mêmes aliments que le Wane, qui les rendaient si appétissant pour lui, et les déclarèrent interdites. On laissa le Wane mourir de faim dans sa caverne à flanc de falaise, sans se soucier de ses mugissements de moins en moins puissants.

Et, lorsque quelques années plus tard, la nouvelle génération fut assez forte, ils entreprirent de conquérir les autres tribus alentours... Avec un succès mitigé, certaines se rebellant soudain et forçant à combattre encore. La conquête dura longtemps et fut sanglante. Certains membres de la tribu dominante découvrirent par hasard le secret de l'immortalité apparent du Wane : la mort et la renaissance, un nouveau Wane surgit de la carcasse de l'ancien. Et le Conseil des Anciens eut l'idée d'utiliser la créature comme instrument de terreur pour asseoir leur pouvoir...

Les populations conquises virent les insoumis être sacrifiés toutes les sept années, lors d'une grande cérémonie se tenant lors de la renaissance du Wane, après avoir été forcées de construire l'arène. Un grand troupeau des animaux favoris du Wane était entretenu, afin de le nourrir régulièrement, avec de temps en temps les prisonniers condamnés à mort. Et puis on oublia plus ou moins qui appartenait à quelle tribu, bien que les plus rebelles devinrent par la suite les esclaves des autres...

— Mais où était donc cette garce, à la fin ?

lundi 8 juin 2015

La dérobade

Une question se pose ;
Il devient muet, détourne le regard ;
Puis efface l'instant de sa mémoire.
 

vendredi 5 juin 2015

Haïku ferroviaire

Vision au loin,
Course haletante :
Aujourd'hui le train est à l'heure !


J'ai bien couru, mais je l'ai eu, le train !

jeudi 4 juin 2015

Jour de pêche

Demoiselles bleues sur les feuilles des nymphéas,
Et leurs feuilles, vertes éphélides géantes sur l'eau du lac,
Cinq petits poussins de poules d'eau
Et leurs parents stridulant leur alarme,
Deux cygnes, nuages de plumes répondant aux nuages d'eau du ciel
Les poissons captifs par mégarde libérés de leur bourriche...

Pont-à-Bucy (Aisne) - 24 mai 2015

Simple résumé poétique d'une belle journée...

lundi 18 mai 2015

Au soir sur le pont

Au soir sur le pont, ombres de l'arche et ses haubans,
Couchées sur l'eau couleur de sauge ;
Sur la berge au delà des bâtisses,
Le soleil en mon dos rehausse le prasin des feuilles,
Et le ciel de nuages couleur persan s'accote à icelles.

Pont Ste Maxence (60700)

lundi 27 avril 2015

Sur la tête de ma mère

 Ma petite sœur, notre mère et moi, nous nous précipitons vers le supermarché. Nous sommes presque entourées par les zombies, le danger est bien trop pressant : nous espérons pouvoir survivre plus facilement là-dedans : il reste des vivres, il y a de quoi nous armer aussi.

Puis ma mère se fait mordre ou griffer par l'une des créatures ; tant pis, nous la tirons avec nous et entrons dans le magasin, malheureusement suivies par quelques zombies.

Créatures plutôt laides, grisâtres, affamées de chair chaude et palpitante de vie, hideuses parodies d'êtres humains, pourtant humaines encore si peu de temps auparavant.

Quand je dis que nous sommes entrées dans le supermarché, nous avons en fait seulement passé la grille qui protège piètrement le parking réservé aux employés (probablement tous déjà morts-vivants de toute façon) ; je dois lutter comme une diablesse pour repousser les hordes affamées qui nous poursuivent, n'hésitant pas à donner des coups dont la puissance m'étonne, n'étant pourtant guère robuste.

Nous finissons par entrer dans le magasin lui-même et errons dans les rayonnages : je récupère quelques grands couteaux de cuisine pour ma petite sœur, une tronçonneuse pour moi, des vivres et nous finissons par choisir un endroit, au carrefour de quatre larges allées, y posons trois transats, notre mère asthénique dans celui du milieu.

Et nous nous battons, préservant notre petit havre précaire. Je taille du zombie à tour de bras, joyeusement, avec jubilation même, car curieusement pas du tout effrayée par ces pâles copies des gens qu'ils étaient auparavant. A vrai dire, ils ne sont pas aussi dangereux que dans les films : ils sont lents et mous, pas très très résistants. Ma tronçonneuse fait du bon boulot, ça vole dans tous les sens : bras, jambes, têtes, lambeaux de chair putréfiée, tandis que ma petite sœur fait de son mieux avec ses couteaux. Pour protéger nos provisions, notre mère plus qu'apathique, et nous-mêmes, nous nous battons sans relâche.

Puis ma petite sœur m'appelle : notre mère se sent de plus en plus mal, elle est infectée et va se transformer tôt ou tard en zombie, elle aussi... Cela nous chagrine, mais nous choisissons de la garder avec nous en vie, le plus longtemps possible, malgré tout. Dans l'espoir de stopper la progression de cette gangrène, nous lui tranchons le poignet mordu. Puis nous lui recoupons le même bras au niveau du coude quand le gris l'atteint. Puis nous détachons à coups de hachoir les deux jambes, puisque l'infection s'est propagée là aussi suite à des griffures d'un zombie qui lui avait agrippé les chevilles. Et ainsi de suite, jusqu'au moment où maman n'est plus qu'une tête, grisâtre, aux cheveux filasses, toujours vivante cependant, s'obstinant à nous dire d'une voix de plus en plus monotone et alentie : "Mais tuez-moi, je vais devenir comme eux, un zombie, je ne veux pas vous faire du mal, tuez-moi je vous en prie, je ne veux pas ça, il faut me tuer, les filles, tuer, manger vous, manger..."

Ma petite sœur et moi nous entre-regardons : nous n'avons plus le choix. Je tourne ma tronçonneuse vers maman et actionne l'interrupteur...

mardi 14 avril 2015

Les parfums suaves d'un soir printanier...

Au coucher du soleil...
Ah, le tiède effluve de l'eau épandue sur le trottoir ;
Puis je hume, le savoureux arôme d'une viande, mise à rôtir ;
Et la fragrance des bouquets blancs, d'un arbre en fleurs s'en vient parfaire ce chemin suave.

jeudi 26 mars 2015

La nuit d'étoiles...

Ce ciel d'un bleu profond qui s'assombrit, céruléen, cobalt, indigo,
Les étoiles éparses scintillent comme diamants sur velours,
Et la serpe liliale de la lune du soir !
Comme j'aimerais contempler cette nuit dans tes bras 

Pont Sainte Maxence (60700)

Malheureusement je n'ai pas sauvegardé la photo d'origine de ce billet, qui était bien plus belle que celle-ci. Imaginez la nuit noire, et le pont illuminé de ces lumières dorées... Avec les lampadaires des rives, l'effet d'ensemble était superbe !
Quant à l'origine de cette petite pensée, c'était lors d'un rendez-vous amoureux.

mercredi 14 janvier 2015

Espèces menacées (1) : L'incendie

Elle était aux toilettes durant l'interclasse lorsque l'alarme incendie stridula. Occupée comme elle l'était, il lui fallut quelques minutes pour sortir enfin de sa cabine. Elle se lava rapidement les mains, les sécha tout aussi vite, puis sortit non sans jeter négligemment un coup d'œil à son reflet dans le miroir.

Elle était assez mignonne dans son genre, comme toutes les filles de son âge, notamment dans ce lycée : des filles de bonne famille, sélectionnées au même titre que les élèves masculins sur leur excellente moyenne générale, entendez par là une haute intelligence et des compétences sportives indéniables. Côté social, si les élèves connaissaient les bonnes manières de par leur éducation relevée, ils n'en restaient pas moins des adolescents.

Des cheveux noirs mi-longs, raides, glissés derrière ses oreilles petites et délicates, des yeux bruns en amande, une peau dorée et des dents comme un collier de perles. Une veste bleu sombre par dessus une chemise blanche, un nœud papillon, bleu clair, et une jupe plissée du bleu de la veste ; ces deux derniers éléments se trouvant remplacés par une cravate et un pantalon pour les garçons.

Elle repéra la sortie la plus proche. Les toilettes donnaient sur un couloir généreusement fenêtré, courant à l'étage le long du côté court du lycée. Regardant par la deuxième fenêtre, grande ouverte, la jeune fille se figea. Mais que se passait-il dehors ?

De grands ovales délimités par des cailloux mordaient sur le goudron de la cour extérieure, près de la pelouse qui enserrait tout le domaine à l'intérieur des murs. À l'une des extrémités des ovales, celle pointée vers la pelouse, d'autres petits cailloux traçaient une petite zone arrondie dans laquelle se trouvait une étrange créature, d'aspect tantôt aquatique, tantôt saurien, mais toujours humanoïde. Sur un des grands arcs des ovales, une créature plus petite mais toujours de même type que la grande, vêtue comme les garçons du lycée et allongée sur le sol, entourée de quelques bougies allumées. En face, plusieurs des filles, étendues à terre elles aussi, l'air sonné.

La jeune fille compta une bonne douzaine de ces étranges cercles rituels, et s'avisa soudain de la présence de la directrice, en jupe tailleur noire et chemise blanche, petites lunettes rondes sur le nez, surveillant toute l'opération d'un œil attentif. Soudain, la directrice tourna son regard vers l'étage, droit sur la jeune fille, penchée dangereusement dans le vide, puis la femme à la tenue stricte l'apostropha :

— "Dépêche-toi, veux-tu ? Au cas où tu ne l'aurais pas encore remarqué il y a un sérieux incendie dans le lycée ! Que fais-tu encore là-haut ?"

Et c'était vrai, la jeune fille s'en rendit compte ; à présent elle entendait un sourd ronflement de feu ; une odeur de fumée parvenait à ses narines. Elle paniqua brièvement puis se reprit : il lui fallait sortir. Réfléchissant à toute vitesse, la jeune fille choisit son chemin. Elle ne pouvait, ne voulait surtout pas sortir droit dans la cour, vers ces créatures fantastiques et ces rituels abscons. L'incendie semblait provenir de l'arrière du bâtiment, vers la droite dans son dos. Il existait plusieurs sorties de secours sur les longs côtés du lycée, en forme de rectangle, et dont le centre comportait le gymnase et la cantine. Si la sortie de secours de droite était exclue, de même que l'entrée à double porte du lycée, il ne restait plus que la sortie de gauche.

Elle se mit à courir, atteignit un escalier, descendit la volée de marches deux par deux, trébucha en toussant sous les volutes de plus en plus denses de fumée qui lui encrassait les poumons, tourna dans un nouveau couloir et parvint enfin à la porte de sortie. Prudemment, elle l'entrouvrit, jeta un œil discret tout en inspirant un air plus pur. Rien en vue. Elle écouta, mais le crépitement croissant des flammes brouillait les sons ambiants. Elle sortit, un mince filet de fumée l'accompagnant de son âcreté.

Une lourde main sèche s'abattit sur son épaule, la faisant crier de surprise ; elle tourna la tête et se trouva nez à nez avec un des humanoïdes, de type saurien. Plus grand et larges d'épaules qu'un homme moyen, son vaste torse nu, un pantalon humain ordinaire, l'écailleux anthropomorphe, entrouvrant sa bouche dénuée de lèvres, exhala une désagréable haleine qui fit frémir la jeune fille. La pression de ses doigts aux ongles griffus sur son épaule s'accentua et la créature fit un signe de tête en direction de la cour, sur leur droite. La jeune fille blêmit en comprenant que la créature était réelle. Ce n'était pas un maquillage, ce n'était pas un costume ; les écailles ciselées s'ornaient de bronze et de vert-de-gris à quelques endroits, et les dents trop pointues se teintaient d'ocre dans les recoins près des gencives.

mardi 6 janvier 2015

De rouille et d'acide

Dans le grenier de l'écurie, je tousse légèrement dans la poussière et l'odeur de cheval imprégnant l'atmosphère. Dehors, il pleut à verse.

C'était une écurie en forme de U à angles droits, enserrant une cour de terre battue et rebattue ; les cotés du U contiennent les boxes des chevaux, la base un porche pour atteindre la cour et les boxes, dans un angle le club-house et dans l'autre, la sellerie et l'escalier qui mène aux combles. Ou au grenier, si vous préférez. Si la sellerie du bas est réservée au matériel du club d'équitation, le grenier, lui, est consacré au matériel des quelques propriétaires de chevaux logés à l'écurie. Bien qu'il ne soit jamais verrouillé - pas de porte - il est déconseillé de s'y rendre sans raison.

J'en ai deux, moi, des raisons. D'une part, je suis effectivement propriétaire - plus exactement, mes parents le sont - et d'autre part, dehors, il pleut à verse. Une authentique pluie de fin du monde, verdâtre, acide, polluée, coulant à flots de ce ciel qui se noie ; dehors, le niveau de ce déluge du monde moderne atteint presque l'étage.

Je suis seule là-haut. Dehors, tout meurt, tout est mort ou mourra bientôt, noyé ou rongé à cru et à vif par l'acide. Je vais bientôt mourir, moi aussi. L'eau tueuse affleure le haut de l'escalier et menace de déborder ; je m'éloigne vers le fond du grenier. Mes pas laissent des traces dans la poussière et je distingue dans la pénombre, entrelardée de chiches rayons de lumière que laissent passer les rares tuiles transparentes, des selles, des coffres, des couvertures. Là, j'aperçois une tuile partiellement rongée par la pluie mordante, puis une autre, ici. Les trous s'agrandissent, l'eau coule à l'intérieur, glissant le long des arceaux de terre cuite. Derrière moi, l'eau déborde enfin de l'escalier dissout et s'avance inexorablement vers moi.

La pluie va me ronger vivante, porteuse d'une promesse de souffrance indicible ; dans ma main, un vieux couteau rouillé, tordu, qui me promet une mort plus rapide, à condition que je parvienne à me trancher net la carotide.

Je regarde le couteau rouillé ; les tuiles rongées d'acide ; et à l'heure où l'acide m'atteint presque, j'ignore encore quelle mort choisir...