jeudi 30 juillet 2015

Libellule

Une libellule qui fait la course,
Contre le vent, contre le train.
 

Pour l'anecdote, je me trouvais dans un train roulant à bonne vitesse, et une libellule s'est mise à voler près de la vitre, tenant la distance durant plusieurs minutes. Ça vole vite, ces bestioles !

samedi 25 juillet 2015

Souffrances

Lumière trop vive
Le son trop fort,
Souffrances



Les hypersensibles, les migraineux et les autistes connaissent sûrement ce ressenti. Ah... Et aussi les lendemains de cuite. Pour l'anecdote, non, je n'avais pas trop bu la veille au soir, et non, je ne suis pas migraineuse.

jeudi 23 juillet 2015

Feän (6)

... rugit sa frustration, le cou tendu à se rompre vers les soleils. Il hurla encore, et encore, assourdissant toute l'arène, et Feän en fut toute étourdie, malgré ses mains précipitamment posée sur les oreilles. Elle aurait de la chance si elle retrouvait un jour l'ouïe... Si elle vivait.

L'immense créature, dont la carapace si sombre paraissait noire sur le sable, se releva, mâchoire grande ouverte, haleta un moment, puis retourna vers l'ouverture menant à sa caverne.

Dans les gradins, sur le balcon des Grands Prêtres, partout, seule la légère brise faisait bruire les tissus, ponctuée du glissement des pattes d'insectes du Wane sur le sable. Feän, abasourdie, l'ouïe bourdonnante, laissa tomber ses mains, n'en croyant pas sa chance. Levant les yeux, elle croise le regard hanté du Grand Prêtre... Mue par un réflexe de survie à l'état pur, la jeune femme se leva soudain et se précipita sur les traces du monstre. Le Grand Prêtre s'empourpra et, hurlant de rage, donna l'ordre aux Baolfas de barrer la route de la jeune femme ; elle échappa au plus proche d'entre eux d'une pirouette et d'un coup de pied qui fit son effet, quoique mal assuré, et elle disparut dans le long couloir sombre...


Dehors, dans les gradins, l'hystérie éclata. Les prêtres wanessans firent donner les Baolfas, évacuant les spectateurs à demi-fou ; il y eu de nombreux blessés, dû à la précipitation des gens plus qu'à la brutalité des gardes. Le Grand Prêtre, à la tête d'un groupe constitué de l'élite des Baolfas, de quelques autres prêtres, et de l'égloque balbutiant, s'engouffra à son tour dans le couloir menant au lieu de naissance, de repos et de mort du Wane.

Dans l'ombre couleur aubergine, il était difficile de distinguer les murs. Jusqu'où la bâtarde était-elle allée ? Il tardait au Grand Prêtre de la retrouver et de la tuer. Il lui planterait lui-même le couteau dans le cœur, cette dague cérémonielle à la courbure vicieuse et conçue pour le sang. Dans le long couloir, il eut le temps de se remémorer la capture de la bâtarde...

Il n'y avait pas participé personnellement, bien entendu, malgré qu'il en eut le désir : sa charge était tout simplement trop importante pour qu'il la délaisse ne fut-ce que quelques jours. Il avait envoyé d'abord quelques-uns de ses meilleurs hommes pour retrouver la trace de cette petite garce rebelle. Il avait été surpris d'apprendre qu'elle se trouvait dans les plaines de Vardim, en compagnie d'un groupe de gens disparate, de tout âge, sexe et condition sociale.

Il avait ensuite déployé d'autres hommes sur un large éventail et quelques espions dans des lieux-clés, afin de diriger la bâtarde vers Asgaal, où la capture avait finalement eu lieu, non sans mal : elle avait longuement combattue, aidée de ses minables mais compétents amis, laissés pour morts sur place tandis qu'on la ligotait et la droguait.

Il avait tant jubilé en apprenant sa capture ! Elle allait revenir juste à temps pour le sacrifice. Quelle chance ! Bien sûr, elle avait trouvé la force de lui cracher dessus lorsqu'il était allé la voir, à son retour dans sa ville natale.

Le Grand Prêtre trébucha et poussa un bref juron. Il venait de s'écorcher la paume de la main en se rattrapant au mur, rugueux : s'il saignait trop il lui faudrait se bander la main pour assurer sa prise sur la dague. Cette garce rebelle et interdite mourrait bientôt, quoiqu'il en soit !

Enfin, le groupe silencieux parvint au bout du couloir et déboucha dans la caverne, à flanc de falaise, où gisait le Wane repu. Pour l'heure, la puissante créature se reposait, un ronronnement léger et presque apaisant s'élevant de ses flancs. De temps en temps, une griffe cliquetait négligemment.

L'égloque, terrorisé de se trouver soudain si près d'un monstre carnivore, s'effondra dans un couinement le long de la paroi ; le Grand Prêtre, agacé, fit un signe du doigt et un Baolfa alla monter la garde près du petit homme aplati au sol. Le Grand Prêtre se retourna à nouveau vers le Wane. Contempler de si près la créature sacrée provoquait en lui une crainte révérencielle... Mais il lui fallait découvrir la bâtarde, et vite : où était-elle ? Où se cachait-elle ? Avait-elle trouvé le chemin menant au dehors de la caverne sur la falaise ? LE Grand Prêtre y envoyé l'un des six prêtres avec quelques Baolfas, et entreprit de fouiller discrètement le reste de la caverne avec les autres.

La garce n'avait pas dû prendre la boisson droguée, il en était sûr. Celle-ci était dosée de façon à ce que les Klayanans soient dociles jusqu'au moment où le Wane venait les dévorer, mais dès son entrée dans l'arène son regard était trop vif et ses paroles vives et pleines de défi l'avait confirmé. D'autres ingrédients de la boisson droguée avaient pour effet de modifier l'odeur corporelle des sacrifiés, afin de les rendre appétant pour le Wane, qui autrement ne s'intéressait guère à la viande peu goûteuse des humains contemporains, se nourrissant d'aliments plus délicats que leurs ancêtres.


Tout cela était parfaitement connu, depuis des générations, des prêtres wanessans. Dans un lointain passé, les tribus de la région révérait le Wane comme un dieu, mais un dieu cruel, ne dédaignant pas de les chasser, les tuer et parfois laisser pourrir les cadavres sur place au lieu de les dévorer. La vie était difficile en ce temps-là, et un prédateur aussi formidable faillit mener la plus proche tribu à l'extinction. Les survivants entreprirent alors de se défaire du monstre. Ils découvrirent la grotte dans laquelle il se reposait. Ils connurent ses nourritures préférées, et qui étaient justement ce qu'ils mangeaient.

Finalement, ils s'étaient arrangés pour faire écrouler l'entrée de la grotte, afin d'y bloquer le Wane. Ils cessèrent de manger les mêmes aliments que le Wane, qui les rendaient si appétissant pour lui, et les déclarèrent interdites. On laissa le Wane mourir de faim dans sa caverne à flanc de falaise, sans se soucier de ses mugissements de moins en moins puissants.

Et, lorsque quelques années plus tard, la nouvelle génération fut assez forte, ils entreprirent de conquérir les autres tribus alentours... Avec un succès mitigé, certaines se rebellant soudain et forçant à combattre encore. La conquête dura longtemps et fut sanglante. Certains membres de la tribu dominante découvrirent par hasard le secret de l'immortalité apparent du Wane : la mort et la renaissance, un nouveau Wane surgit de la carcasse de l'ancien. Et le Conseil des Anciens eut l'idée d'utiliser la créature comme instrument de terreur pour asseoir leur pouvoir...

Les populations conquises virent les insoumis être sacrifiés toutes les sept années, lors d'une grande cérémonie se tenant lors de la renaissance du Wane, après avoir été forcées de construire l'arène. Un grand troupeau des animaux favoris du Wane était entretenu, afin de le nourrir régulièrement, avec de temps en temps les prisonniers condamnés à mort. Et puis on oublia plus ou moins qui appartenait à quelle tribu, bien que les plus rebelles devinrent par la suite les esclaves des autres...

— Mais où était donc cette garce, à la fin ?