mardi 6 janvier 2015

De rouille et d'acide

Dans le grenier de l'écurie, je tousse légèrement dans la poussière et l'odeur de cheval imprégnant l'atmosphère. Dehors, il pleut à verse.

C'était une écurie en forme de U à angles droits, enserrant une cour de terre battue et rebattue ; les cotés du U contiennent les boxes des chevaux, la base un porche pour atteindre la cour et les boxes, dans un angle le club-house et dans l'autre, la sellerie et l'escalier qui mène aux combles. Ou au grenier, si vous préférez. Si la sellerie du bas est réservée au matériel du club d'équitation, le grenier, lui, est consacré au matériel des quelques propriétaires de chevaux logés à l'écurie. Bien qu'il ne soit jamais verrouillé - pas de porte - il est déconseillé de s'y rendre sans raison.

J'en ai deux, moi, des raisons. D'une part, je suis effectivement propriétaire - plus exactement, mes parents le sont - et d'autre part, dehors, il pleut à verse. Une authentique pluie de fin du monde, verdâtre, acide, polluée, coulant à flots de ce ciel qui se noie ; dehors, le niveau de ce déluge du monde moderne atteint presque l'étage.

Je suis seule là-haut. Dehors, tout meurt, tout est mort ou mourra bientôt, noyé ou rongé à cru et à vif par l'acide. Je vais bientôt mourir, moi aussi. L'eau tueuse affleure le haut de l'escalier et menace de déborder ; je m'éloigne vers le fond du grenier. Mes pas laissent des traces dans la poussière et je distingue dans la pénombre, entrelardée de chiches rayons de lumière que laissent passer les rares tuiles transparentes, des selles, des coffres, des couvertures. Là, j'aperçois une tuile partiellement rongée par la pluie mordante, puis une autre, ici. Les trous s'agrandissent, l'eau coule à l'intérieur, glissant le long des arceaux de terre cuite. Derrière moi, l'eau déborde enfin de l'escalier dissout et s'avance inexorablement vers moi.

La pluie va me ronger vivante, porteuse d'une promesse de souffrance indicible ; dans ma main, un vieux couteau rouillé, tordu, qui me promet une mort plus rapide, à condition que je parvienne à me trancher net la carotide.

Je regarde le couteau rouillé ; les tuiles rongées d'acide ; et à l'heure où l'acide m'atteint presque, j'ignore encore quelle mort choisir...

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