vendredi 14 décembre 2012

Elspeth (4)


 Mon premier jour à l'école privée fut glacial. Temps pluvieux, visages froids des élèves, professeurs formels... J'étais la petite nouvelle, celle qui arrivait en cours d'année : ça ne m'étonnait pas. Il me fallait faire mes preuves.

Première récréation, un groupe de filles à l'air hautain s'approcha de moi.

— Salut, fis-je.

— Bonjour, me répondirent-elles.

Ma première erreur. Trop familier pour ces filles de bonnes familles ! La brune la plus proche de moi repris la parole :

— Je suis Éléonore de Castlebrun. Et voici Mathilda Von Braüchen (désignant une blonde) Nina MacFairchild (la rousse) et Marion Ravensbrück (cheveux noirs).

Super. Que des noms hyper chics, et même plutôt connus. J'avalais discrètement ma salive, avant de répondre :

— Je suis Elspeth Connocha.

Gros silence.

— Hé bien, reprit Éléonore, ton surnom est tout trouvé... Conchita !

J'encaissai en silence. Je voyais le topo : nom banal, commun, inacceptable pour des gens de la haute comme ces quatre pimbêches. Le premier et le dernier à m'avoir appelé ainsi auparavant, je lui avais fait cracher ses dents. Bon, j'ai failli être renvoyée de l'école pour m'être jetée sur lui pour un motif somme toute un peu futile, mais j'avais fait amende honorable, et les autres se l'étaient tenus pour dit... Mais là, je ne pouvais me permettre une telle réaction !

— Ainsi, ton père s'appelle Connocha .. Comme c'est amusant, ajouta Éléonore, d'une petite voix flûtée. Et quel est son métier ?

J'étais orpheline... Ça m'évitait de répondre ouvrier ou manœuvre, ce qu'il avait été lorsque ma mère l'avait rencontré, m'a-t-elle raconté.

— Il est mort, répondis-je.

— Oh ! La pauvre. Comme c'est triste pour toi, Conchita, fit Éléonore, les coins de sa bouche se relevant en un sourire passablement satisfait.

— Avec un tel nom, Conchita, demanda d'une voix dégoulinante d'ironie la dénommée Nina, je ne comprends pas que le directeur t'ait acceptée dans notre établissement. À moins que tu ne sois la fille bâtarde d'un jeune prince et d'une femme de chambre ?

— Ou alors, c'est que sa mère s'est abaissée à ce que les gens du commun nomment « la promotion canapé » !

Là, c'en était trop. Je serrais les poings, ce qui les fit reculer, mais la cloche sonna avant qu'elles ne puissent dire un seul mot. Elles me lancèrent un regard qui me figea sur place et se dirigèrent vers la salle de classe.

Ce soir-là, en voyant mon visage, ma mère ne fit aucun commentaire, mais me redonna du dessert et me serra l'épaule.

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